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"Des livres et vous", pour penser les mots et s'envoler, libres, vers d'autres temps et d'autres horizons...

Des livres et vous

Contes de l'Alhambra - Washington Irving

Washington Irving, Mateo Jimenez et les habitants de l'Alhambra surent voir derrière les murailles effondrées la splendeur, derrière un vieux corps fatigué un coeur débordant de vie. Irving ne vécut pas à l'Alhambra, il vécut l'Alhambra...

Statue de W.Irving, Bois de l'Alhambra, Grenade - Generalife - Mirador de Lindaraja, palais nasrides
Statue de W.Irving, Bois de l'Alhambra, Grenade - Generalife - Mirador de Lindaraja, palais nasridesStatue de W.Irving, Bois de l'Alhambra, Grenade - Generalife - Mirador de Lindaraja, palais nasrides

Statue de W.Irving, Bois de l'Alhambra, Grenade - Generalife - Mirador de Lindaraja, palais nasrides

Pour le voyageur épris d'histoire et de poésie, l'Alhambra de Grenade est un objet de vénération, autant que la Kaaba, le sanctuaire de La Mecque, l'est à tous les vénérables pèlerins musulmans. Que de légendes et de traditions, vraies ou fabuleuses, que de chansons et de romances, arabes et espagnols, d'amour, de guerre, de chevalerie sont liées à ce romantique édifice ! Le lecteur peut donc juger de notre ravissement lorsque, peu après notre arrivée à Grenade, le Gouverneur de l'Alhambra nous donna la permission d'occuper dans le palais mauresque ses appartements vacants. Mon compagnon fut bientôt rappelé par les devoirs et sa charge; mais moi, j'y demeurai plusieurs mois, retenu par le charme de ses pierres enchantées. Les pages qui vont suivre sont le fruit des rêveries et des recherches que je fis au cours de cette délicieuse captivité. Si elles ont le pouvoir de faire sentir le sortilège de ces lieux à l'imagination de mon lecteur, il ne regrettera point de s'attarder une saison avec moi dans les salles légendaires de l'Alhambra.

Contes de l'Alhambra, Washington Irving, Ed Miguel Sánchez Granada, p.30-31

4ème de couverture :

Arrivé en 1829 dans une Grenade oubliée au milieu des montagnes et desservie par de mauvaises pistes qui sont autant de coupe-gorges, un américain distingué, logé dans un palais à demi en ruines, va progressivement transformer un prétendu récit de voyages en un recueil de contes digne des Mille et une nuit de l'Andalousie :  un hommage à la gloire d'une Espagne maure anéantie par la violence de l'Histoire et toujours vivante dans les coeurs et les imaginaires.

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Fasciné depuis toujours par la langue et la culture espagnoles, Washington Irving fit deux séjours à Grenade : le premier du 9 au 20 mars 1828, et un autre du 4 mai au 29 juillet 1829.

En 1826 il fut invité en Espagne par l'ambassadeur nord-américain Alexander Everett. Une fois à Madrid il décida de compiler des données historiques pour écrire une biographie de Colomb. Ce travail d'historien était très différent de celui qu'il avait l'habitude de réaliser en écrivant de courts récits comme dans le Sketch Book. Il publia L'Histoire de la vie et des voyages de Colomb en 1828 (éditions de New-York et de Londres) et 1833 (édition espagnole).

Ses recherches sur Colomb le conduisirent jusqu'en Andalousie, à Séville, où se trouvait l'Archive des Indes, et aussi à Grenade, où lui vint l'idée d'écrire une chronique de la conquête de la ville, dans laquelle il pourrait utiliser les notes compilées à Madrid sur plusieurs personnages de Grenade qui le fascinaient, en particulier Boabdil. A Grenade naquit aussi l'idée d'un livre sur l'Alhambra. Les Contes de l'Alhambra sont "le Sketch Book de Grenade, c'est-à-dire une collection complète d'informations, de légendes et de coutumes sur le très beau palais nasride et ses habitants, mais pas seulement cela..." (Antonio Garnica Silva, Lettres de l'Alhambra).

Statue de W.Irving, "fils de l'Ahambra", Bois de l'Alhambra, Grenade

Statue de W.Irving, "fils de l'Ahambra", Bois de l'Alhambra, Grenade

S'il n'eut besoin que d'environ deux ans pour écrire la biographie de Colomb et la Chronique de la conquête de Grenade, publiée en 1829, Washington Irving mit 25 ans à publier une version complète et définitive des Contes de l'Alhambra. Il trouva essentiellement son inspiration dans les récits de Mateo Jimenez, dont il fit la connaissance lorsqu'il arriva à Grenade en 1828 : durant ses deux séjours à Grenade, ce "fils de l'Alhambra" lui raconta des histoires et des légendes qui piquèrent sa curiosité et éveillèrent son esprit romantique. Entre mai et juillet 1829 Irving vécut dans le palais, dans les appartements non occupés par le gouverneur de l'Alhambra; il réalisa alors le rêve de tout romantique ou amoureux de l'Alhambra : profiter de la fraîcheur des fontaines dans la chaleur de l'été, faire de longues promenades dans les grands et splendides salons vides du vieux palais maure à la lueur de la lune, tomber sur quelque maure ensorcelé ou quelque princesse envoûtée au détour d'un chemin... Mais son rêve prit précipitamment fin lorsqu'il fut nommé secrétaire de l'ambassade nord-américaine à Londres. Il abandonna l'Alhambra, emportant avec lui ses notes et ses souvenirs. Il dut attendre le retour vers son pays pour écrire et publier en 1832 une première version de ses contes, car son travail à Londres ne lui avait laissé que peu de temps pour ses travaux littéraires. En 1846, de nouveau de retour aux Etats-Unis après quelques années comme ambassadeur en Espagne, il retrouva des notes délaissées, écrites pendant son séjour à l'Alhambra, compléta ainsi la première édition de 1832 et publia la version définitive des contes en 1851.  

Les Contes de l'Alhambra sont bien plus qu'une simple compilation de légendes, ils sont un recueil de souvenirs dans lequel Irving nous livre les récits de Mateo Jimenez dans un cadre autobiographique: l'admiration et l'affection qu'il ressent pour l'Alhambra et ses habitants ressortent à chaque page.

Tout est éphémère, et plus que tout la vie, même si nous nous employons jusqu'à l'ultime instant à l'oublier. Mais rien qu'avec de l'encre et du papier, un personnage, un lieu, un fait ou un mot peuvent entrer dans l'éternité. En réalité peu de choses ont cette chance, celle d'avoir le droit d'être éternelles... Washington Irving, Mateo Jimenez et les habitants de l'Alhambra surent voir derrière les murailles effondrées la splendeur, derrière un vieux corps fatigué un coeur débordant de vie. Irving ne vécut pas à l'Alhambra, il vécut l'Alhambra, il la sentit jusque dans ses os; il lui donna l'éternité, ainsi qu'à ses habitants oubliés, imaginaires ou légendaires, et gagna ainsi à la force du coeur le titre bien mérité de "Fils de l'Alhambra". Il redessina les contours des fantômes du palais, traça les silhouettes des infantes  Zaida, Zoraida y Zorahaida, de l'astrologue arabe, des maures ensorcelés... Ils réhabitèrent l'Alhambra, errant dans les couloirs secrets, les tours, les bois... Chaque recoin, chaque pierre se remplit à nouveau d'idylles, de larmes, de soupirs, de sortilèges et de trésors. 

Les Contes de l'Alhambra sont un rêve dans un cadre historique et autobiographique.

 

Véronique RAMOND

W.Irving

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