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"Des livres et vous", pour penser les mots et s'envoler, libres, vers d'autres temps et d'autres horizons...

Des livres et vous

Le garçon en pyjama rayé - John Boyne

Ne vous imaginez surtout pas qu'il s'agit d'un énième livre sur la seconde guerre mondiale et ses horreurs. Sur les camps de concentration. Pas du tout. C'est l'histoire d'enfants dont le monde des adultes n'a pas encore réussi à corrompre l'innocence.

Le garçon en pyjama rayé - John Boyne

4ème de couverture :

Vous ne trouverez pas ici le résumé de ce livre, car il est important de le lire sans savoir de quoi il parle. On dira simplement qu'il s'agit de l'histoire du jeune Bruno que sa curiosité va mener à une rencontre de l'autre côté d'une étrange barrière. Une de ces barrières qui séparent les hommes et qui ne devraient pas exister.

Le garçon en pyjama rayé - John Boyne

[...] ses jambes, qui n'arrêtaient pas de bouger, le rapprochaient de plus en plus de ce point qui, entre-temps, était devenu une petite tache et semblait vouloir se transformer en gribouillage. Et très vite le gribouillage devint une silhouette. Et alors, au fur et à mesure que Bruno s'approchait encore, il vit que cette chose n'était ni un point, ni une petite tache, ni un gribouillage, ni une silhouette, mais une personne.
Et que cette personne était un petit garçon.
Bruno avait lu assez de livres d'aventures pour savoir que l'on ne peut jamais être sûr de ce que l'on va trouver. La plupart du temps, les explorateurs tombaient sur quelque chose d'intéressant qui était simplement là, sans embêter personne, en attendant qu'on le découvre (comme l'Amérique, par exemple). D'autres fois, ils découvraient quelque chose qu'il valait sûrement mieux laisser tranquille (comme une souris morte dans une armoire, par exemple).
Le petit garçon appartenait à la première catégorie. Il était assis là, sans embêter personne, en attendant qu'on le découvre.

El niño con el pijama de rayas, John Boyne, ed.Salamandra p.106, trad. de la version espagnole V.RAMOND

Le garçon en pyjama rayé est un livre si émouvant qu'il est difficile de déterminer à quel genre il appartient... Un roman historique, peut-être. Ou plutôt une fable. Une fable historique. Une histoire d'enfants pour que les grands apprennent à réfléchir sur le sens de la vie et sur ces frontières visibles et invisibles que nous érigeons sans nous en rendre compte. La haine n'est pas innée, elle s'inculque, elle s'apprend. Nous naissons tous égaux et un jour nous érigeons des murs infranchissables qui enferment les autres et nous enferment nous-mêmes.

C'est l'histoire de Bruno, un petit garçon de neuf ans semblable à bien d'autres petits garçons de neuf ans; il habite une jolie grande maison dans le Berlin des années 40 avec ses parents et sa soeur qui est "une abrutie finie"; ses grands-parents vivent aussi non loin de là, ainsi que "ses trois meilleurs amis pour toute la vie". Un jour un homme étrange et aux mauvaises manières, avec une petite moustache très bizarre, vient dîner chez Bruno. C'est alors que son père militaire obtient un nouveau travail très important, et toute la famille doit déménager pour vivre dans un endroit au nom imprononçable : Auchwitz, dans une maison plus petite, au milieu de nulle part, face à une clôture en barbelés derrière laquelle vivent des milliers de personnes portant toutes un pyjama rayé. Et comme Bruno adore jouer à l'explorateur, il décide un jour d'explorer tout près de la clôture et fait la connaissance d'un petit garçon, Shmuel, avec qui il va se lier d'amitié.

Ne vous imaginez surtout pas qu'il s'agit d'un énième livre sur la seconde guerre mondiale et ses horreurs. Sur les camps de concentration. Pas du tout. C'est l'histoire d'enfants dont le monde des adultes n'a pas encore réussi à corrompre l'innocence. Des enfants qui vivent dans un monde sans barrières ni frontières ni barbelés. Bruno ne comprend pas ce qu'il se passe là-bas, de l'autre côté, il ne sait pas qui sont ces personnes, mais pressent qu'il s'y passe des choses laides. Très laides. Cependant il garde toutes ses illusions sur le monde et sur son père qui est pour lui un héros, un commandant respecté de tous, qui porte un uniforme avec un curieux petit dessin très joli. Il ne sait pas non plus ce que signifie le joli petit dessin en forme d'étoile sur le bracelet de Shmuel. Il voit juste un petit garçon maigre. Très maigre, ça oui; et affamé. Mais il veut jouer avec lui, car les enfants sont là pour jouer, non ? L'innocence de Bruno est émouvante, nous voyons l'horreur à travers ses yeux; ou plutôt non, l'horreur ne se voit pas mais se devine ou se pressent, mais ne se voit jamais car des yeux d'enfant ne peuvent pas voir ces choses-là. Il vit dans son monde d'enfant avec son père-héros, sa soeur "abrutie finie", les domestiques muets et ses rêves d'explorateur. Et il n'a pas la moindre idée d'où vont le mener ses rêves d'explorateur... Et Shmuel, le garçon en pyjama rayé qui vit là-bas, de l'autre côté, et parle à peine de ce qu'il voit, de ce qu'il supporte, par peur de perdre son nouvel ami ou par pudeur; il ne parle que du passé car il n'y a plus de présent. Les deux garçons sont semblables : neuf ans, nés le même jour; presque des jumeaux, séparés par une clôture et une insensée cruauté.

J'ai adoré ce livre, que j'ai lu presque d'un trait; il se lit facilement car il renferme toute la simplicité et l'innocence d'un enfant; il ne cherche pas de complications, rien que la vérité : la vérité des sentiments. Et avec une fin totalement inattendue, probablement la fin la plus triste que j'ai vue, qui te laisse un goût amer et l'envie de hurler au monde que le monde n'est pas cela : il ne doit pas être cela. La haine et les clôtures de barbelés devraient disparaître de la surface de la Terre à jamais. Et pourtant les murs ne font que grandir, toujours plus haut...

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