Se le dire enfin - Agnès Ledig

Quatrième de couverture

De retour de vacances, sur le parvis d'une gare, Edouard laisse derrière lui sa femme et sa valise. Un départ sans préméditation. Une vieille romancière anglaise en est le déclic, la forêt de Brocéliande, le refuge.

Là, dans une chambre d'hôtes environnée d'arbres centenaires, encore hagard de son geste insensé, il va rencontrer Gaëlle la douce, son fils Gauvain, enfermé dans le silence d'un terrible secret, Raymond et ses mots anciens, Adèle, jeune femme aussi mystérieuse qu'une légende. Et Platon, un chat philosophe.

Qui sont ces êtres curieux et attachants ? Et lui, qui est-il vraiment ?

S'il cherche dans cette nature puissante les raisons de son départ, il va surtout y retrouver sa raison d'être.

Edouard se sentait tout petit, minuscule, un brin parmi les autres. Et encore. Eux au moins montraient cet élan de vie qui les poussait vers la lumière. Il se sentait sec et mort d'avoir été déraciné trente-trois ans plus tôt. Déraciné de sa magie, de sa terre, de sa source. Chaque main se referma sur une grosse touffe d'herbe et il serra fort ses doigts pour essayer d'y puiser l'énergie qui ne circulait plus en lui. Au bord de ses paupières closes perla une goutte de peine qui dévala jusqu'à l'oreille. Il pressa un peu plus fort ce bout de prairie à laquelle il s'accrochait pour ne pas tomber dans le tourbillon. La prise était solide. Tous ces brins ensemble tenaient bon. Lui aussi allait tenir bon.

Se le dire enfin - Agnès Ledig, ed Flammarion 2020, p.65-66

Forêt de Brocéliande

Se le dire enfin est pour moi le second roman d'Agnès Ledig que je découvre. Si De tes nouvelles fut une très jolie lecture malgré une histoire un peu cliché et débordante de bons sentiments, il me semble que Se le dire enfin est d'une qualité littéraire largement supérieure et m'a agréablement surprise.

Dans les deux romans, nous retrouvons un schéma un peu similaire, mais cette fois-ci les personnages sont beaucoup plus complexes et nous passons d'une psychologie tout en noir et blanc à une palette de gris tout en nuances, où le bien et le mal sont loin d'être des évidences.

Le mystère, grand absent du roman précédent, se fait ici une place de choix et à certains moments le roman n'est pas très loin de verser dans le thriller (peut-être pour un prochain livre...?) dans un cadre propice, la forêt de Brocéliande. Dans ce décor de croyances et de légendes, mystérieux et inquiétant tout autant qu'apaisant, le personnage principal, Edouard, renonce à son monde cartésien pour se laisser guider par son moi intérieur, il apprend à écouter son âme en même temps que la Nature qui l'entoure.

Nature avec une majuscule, oui, car elle n'est plus un simple décor bucolique mais un protagoniste à part entière, partie prenante dans la quête de soi du protagoniste, mais aussi des personnages secondaires. La reconnexion à la terre et à la nature constitue un véritable retour vers l'essentiel et le point de départ d'une grande introspection pour des personnages  intelligemment mis en scène qui enjoignent le lecteur à construire sa propre réflexion à la recherche de sens.

Ce roman a été pour moi une bien jolie bouffée d'oxygène et un dépaysement. La forêt de Brocéliande, j'y étais, encore un peu et j'aurais bien vu se balader un ou deux elfes ! Si j'avais une seule critique à émettre malgré tout, peut-être le personnage de la vieille anglaise, point de départ de l'intrigue, aurait-il pu être un peu plus détaillé, et l'aspect "thriller" davantage développé. Ca sera, nous l'espérons, pour une prochaine fois, car Agnès Ledig s'est engagée là sur une voie prometteuse et nous attendons avec impatience confirmation...