De soleil et de sang - Jérôme Loubry

Un thriller bien mené, captivant, et pourvu d'une dimension sociale assez rare dans ce type de littérature.

4ème de couverture

Dans ce quartier chic de Port-au-Prince s'élèvent de belles demeures de pierre entourées de palmiers, de flamboyants et d'arbres orchidées. C'est là que, pour la deuxième fois en une semaine, un couple est retrouvé assassiné dans sa chambre. Deux corps mutilés gisant au pied du lit conjugal. La presse titre déjà sur une série de "crimes vaudous".

Pourtant, l'inspecteur Simon Bélage refuse de tomber dans la superstition. Sur cette île, la corruption et le trafic d'enfants font plus de ravages que le terrible Baron Samedi, le dieu des morts. Simon sait avec certitude que ces crimes sont l'oeuvre d'un être de chair et de sang. Et tous les indices convergent vers un orphelinat fermé depuis plus de vingt ans, surnommé la "Tombe joyeuse".

Mais Simon devrait prendre garde. En Haïti, ignorer les avertissements des esprits, qu'ils soient vrais ou faux, peut se révéler dangereux...

Promets-moi de ne jamais nous égarer, mon Orphée... me souffla-telle au creux de l'oreille.

De soleil et de sang, Jérôme Loubry, Ed Calmann-Lévy 2020, p.108

Maison typique haïtienne, de type Gingerbread

Encore une très belle lecture qui, décidément, finit de me convaincre de la qualité de la plume de Jérôme Loubry, même si j'ai été moins bluffée qu'à la lecture des Refuges. mais il faut bien avouer que le challenge était de taille tant le précédent m'avait bouleversée.

L'action de De soleil et de sang se partage entre Paris entre 2005 et 2009, et Haïti à deux époques différentes, 1984 et 2009-2010, quelques jours avant le séisme qui a secoué l'île, aggravant une pauvreté déjà omniprésente.

A Paris, en 2005, Vincent, un jeune architecte, fait la connaissance de Méline, magnifique jeune femme passionnée d'Opéra et de mythologie, avec une affection toute particulière pour le mythe d'Orphée et Eurydice, Orphée perdant pour toujours son Eurydice en rompant sa promesse de ne pas se retourner alors qu'il tentait de l'extraire des Enfers. Quelques années plus tard, entre dans leur vie la mystérieuse Sybille, qui définitivement bouleverse leur existence.

Dans le même temps, en 2009, à Haïti, l'inspecteur Simon Bélage est aux prises avec d'étranges crimes rituels, d'une cruauté hors normes, qu'il tente d'élucider en compagnie de son assistant, Manus. Mais sa haine du vaudou, qui lui a arraché sa mère alors qu'il était enfant, lui fait chercher ailleurs, au péril de sa vie, la réponse à ses questions.

Puis le lecteur se trouve projeté en arrière, en 1984, dans un mystérieux et obscur orphelinat, la "Tombe joyeuse", sur les pas de six enfants "différents", Lucien, Mickaël, Victor, Damien, Sélène et Doriane qui, vendus par leur propre famille pour une bouchée de pain dans l'espoir d'une vie meilleure loin de la pauvreté et de la violence de Cité-Soleil, un bidonville où règne la terreur semée par le cruel chef de gang Blasius, se retrouvent à devoir affronter ensemble de sordides démons.

Mais quel est le lien entre ces lieux, ces époques, ces personnages ? Telle est la question à laquelle le lecteur va chercher à répondre tout au long du roman, plongeant à la fois avec curiosité dans une fiction haletante, et avec horreur dans une réalité terrible, celle des orphelinats illégaux, remplis d'enfants arrachés à leurs familles ou vendus par celles-ci pour être rachetés à prix d'or par des familles étrangères qui, loin de s'imaginer à quel trafic ils prennent part, sont persuadés d'agir pour le bien. Nous sommes projetés dans un univers d'une extrême violence, où même l'enfance et l'innocence ont un prix. La "Tombe joyeuse", qui devient peu à peu le fil conducteur du roman, est le décor d'un huis-clos étouffant et sordide, dans la chaleur accablante d'Haïti, pays de soleil et de sang, incapable de défendre la chair de sa chair, où corruption et rites vaudous maintiennent la population dans la peur, l'ignorance et la pauvreté.

J'aurais apprécié, peut-être, une intrigue plus tortueuse et un dénouement moins "facile", ce que j'avais tant apprécié dans le roman précédent, mais De soleil et de sang n'en reste pas moins un excellent thriller, captivant, avec une intrigue bien menée, un puzzle que le lecteur prend plaisir à reconstituer, et avec une indéniable dimension sociale extrêmement intéressante, sans nul doute bien documentée, et assez rare dans ce type de littérature.