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"Des livres et vous", pour penser les mots et s'envoler, libres, vers d'autres temps et d'autres horizons...

Des livres et vous

Rebecca - Daphné du Maurier

Une histoire d'une violence terrible, des personnages torturés et tourmentés par un fantôme figé dans une éternelle jeunesse dont rien ne semble pouvoir effacer l'emprise obsédante.

Rebecca - Daphné du Maurier

4ème de couverture

Un manoir majestueux : Manderley. Un an après sa mort, le charme obscur de l'ancienne propriétaire, Rebecca de Winter, hante encore le domaine et ses habitants. La nouvelle épouse, jeune et timide, de Maxim de Winter pourra-t-elle échapper à cette ombre, à son souvenir ?

Immortalisé par Hitchcock au cinéma en 1940, le chef d'oeuvre de Daphné du Maurier a fasciné plus de trente millions de lecteurs à travers le monde. Il fait aujourd'hui l'objet d'une traduction inédite qui a su restituer toute la puissance d'évocation du texte originel et en révéler la noirceur.

[...] le visage de Mme Van Hopper la veille au restaurant, ses petits yeux porcins se posant furtivement sur la table voisine, sa fourchette, avec son monceau de raviolis, en suspens dans les airs.
"Une épouvantable tragédie, disait-elle. Partout dans les journaux, bien sûr. Il paraît qu'il n'en parle jamais, qu'il ne prononce jamais son nom. Elle s'est noyée, vous savez, dans une baie près de Manderley...

Rebecca, Daphné du Maurier, Ed; Albin Michel, 2015, p.61-62

Rebecca - Daphné du Maurier

On ne connaît même pas le prénom de la narratrice, cette jeune fille qui épouse Maxim de Winter, veuf depuis moins d'un an. Tellement timide, tellement insignifiante, si transparente dans l'ombre de la sublime Rebecca... Elle était belle, Rebecca, sûre d'elle et de son charme, elle avait un caractère bien trempé et tout ce qu'elle faisait, elle le faisait bien. Trop bien. Epouse idéale et parfaite maîtresse de maison, femme fatale aimée de tous, admirée, se mouvant vêtue de ses robes de soirée dans les hautes sphères de la société avec l'agilité d'un serpent, une main de fer dans un gant de velours pour régler comme du papier à musique la gestion du magnifique domaine de Manderley. Ils formaient un couple parfait, avec Max, ce genre de couples dont tout le voisinage et les amis envient le bonheur sans nuage. Comment cette toute jeune mariée, presque une gamine, si terne, insipide, épousée à la hâte à Monte-Carlo sans que l'on sache bien pourquoi, pourrait-elle arriver ne serait-ce qu'à la cheville de Rebecca en trébuchant ainsi à chaque pas, dissimulée derrière ses cheveux trop raides, sous ses vieux vêtements mal ajustés ? Et cette ombre qui plane sur Manderley, l'ombre de Rebecca, comme un miroir qui lui renvoie l'image de ce qu'elle ne sera jamais, ce fantôme qui veille à travers les yeux de l'inquiétante Mme Danvers, amie intime de l'ex Madame de Winter, lui laissera-t-elle le moindre répit ?

Et puis il y a Manderley, le manoir de M. de Winter, demeure au nom si doux, perdue dans la campagne anglaise, bordée par cette mer sombre qui a emporté pour toujours la dépouille de Rebecca.  Manderley et ses pluies, ses brouillards, ses orages, sa chaleur écrasante, Manderley et ses fleurs trop châtoyantes, ses bois obscurs descendant vers le rivage, Manderley, ses visiteurs et ses routines immuables instaurées par l'ex-maîtresse des lieux. Manderley est un personnage à part entière, ensorcelant, Manderley est Rebecca et telle une araignée, elle tend peu à peu les fils qui emprisonnent la nouvelle venue, l'intruse.

Si je devais définir l'écriture de Daphné du Maurier, je dirais "ciselée" comme de l'orfèvrerie d'art, je dirais qu'elle ressemble à de la dentelle, fragile, élégante, mystérieuse. On aurait vite pu tomber dans le mélodrame à l'eau de rose, mais non... Ca n'est pas pour rien que l'oeuvre de Daphné du Maurier a inspiré le grand maître du suspens, Hitchcock. Rebecca est un thriller d'une autre époque dans lequel Daphné du Maurier met en scène avec un style lumineux et limpide, dans une ambiance pourtant sombre et glaçante, une histoire d'une violence terrible, des personnages torturés et tourmentés par un fantôme figé dans une éternelle jeunesse dont rien ne semble pouvoir effacer l'emprise obsédante.

Rebecca, Alfred Hitchcock, 1940

Rebecca, Alfred Hitchcock, 1940

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